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"Accés au" et "Qualité du" crédit à la consommation - George Gloukoviezoff, partenaire de la coalition, critique l'approche purement quantitative de la nouvelle loi sur le crédit à la consommation en France

GEORGES GLOUKOVIEZOFF

Article du journal Les Echos

Une réforme risquée du crédit à la consommation

[ 12/10/09  ]

GEORGES GLOUKOVIEZOFF EST MEMBRE DE L'OBSERVATOIRE NATIONAL DE LA PAUVRETE ET DE L'EXCLUSION SOCIALE. IL VIENT DE RECEVOIR LE PRIX DE L'ANDESE (ASSOCIATION NATIONALE DES DOCTEURS ES SCIENCES ECONOMIQUES ET SCIENCES DE GESTION) POUR SA THESE SUR « L'EXCLUSION BANCAIRE », CONSULTABLE EN LIGNE : HTTP://GLOUKOVIEZOFF.WORDPRESS.COM/THESE/

Les enseignements de la crise financière sont-ils si dérangeants qu'ils ne parviennent que très progressivement à influencer le législateur ? Ou bien sont-ils relégués au second plan lorsque le débat législatif prend un tour technique et que les intérêts des différentes parties prenantes sont en contradiction ? On peut légitimement se poser ces questions à la lecture du rapport de la commission spéciale du Sénat consacré au projet de loi devant réformer le crédit à la consommation. Dans ce cadre, Christine Lagarde se rend aujourd'hui dans une commission de surendettement à Saint-Denis (93).

L'objectif est pourtant aussi ambitieux qu'indispensable : améliorer l'accès au crédit de ceux qui en sont exclus tout en s'assurant que cet accès accru ne s'accompagne pas d'une augmentation du surendettement. Il s'agit ainsi de favoriser l'inclusion bancaire par un crédit à la consommation plus responsable. Force est de constater que le chemin à faire est encore long avant d'atteindre cet objectif.

Tout d'abord, c'est la qualité du constat initial qui interpelle. Le rapporteur affirme en effet que « les statistiques du rapport Athling selon lesquelles environ 40 % de la population est exclue du crédit ne sont contestées par quiconque ». Malheureusement, ces 40 % n'ont aucune pertinence comme objectif d'inclusion bancaire et sont donc extrêmement contestables. Ce chiffre, fourni par Laser-Cofinoga, correspond en fait à l'estimation que fait ce prêteur, des clients potentiellement solvables qui ne possèdent pas - encore - de crédit. Rien ne dit qu'ils en pâtissent ni qu'il soit nécessaire que la loi y remédie en développant leur endettement.

Ensuite, les modifications techniques discutées - comme la modification du taux de l'usure ou l'introduction d'un fichier positif - doivent être évaluées au regard de leurs différentes conséquences potentielles.

Une modification du taux de l'usure peut se justifier en raison des différences entre crédit renouvelable et prêt personnel qui nuisent à l'inclusion bancaire. Il est cependant utile que les élus qui auront in fine à trancher, sachent qu'une hausse du taux de l'usure se traduit certes par une hausse de l'accès au crédit mais également et mécaniquement par une hausse du surendettement.

De la même manière, l'introduction d'un fichier « positif » centralisant les différents crédits détenus par les emprunteurs est souvent présentée comme permettant de prévenir le surendettement. Au vu des expériences existantes, cela est faux. Géré par des entreprises privées, ce type de fichier existe aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Irlande ou bien encore en Espagne avec le succès que l'on connaît. … Mais il existe également en Belgique sans que les résultats soient plus satisfaisants, alors qu'il est géré publiquement.

Ce type de fichier fait de plus courir des risques réels pour les libertés individuelles soulignées régulièrement par la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) et observables chez nos voisins européens (impossibilité de louer un logement, de s'assurer, de souscrire à un abonnement de téléphonie mobile, etc.). Le seul effet du fichier positif est d'accroître la concurrence en permettant à des prêteurs étrangers ou apparus récemment d'accéder à une information dont disposent leurs concurrents plus anciens. On comprend alors mieux ce qui divise opposants (comme la Fédération bancaire française) et partisans (comme la Banque Accord, la Banque Casino, Empruntis, et Experian, société exploitant les données contenues dans de tels fichiers puis vendant les résultats aux prêteurs).

Enfin, et plus généralement, ce projet de loi semble considérer le rôle du crédit et de sa régulation comme si la crise financière n'avait pas eu lieu. Alors que l'ampleur de ses conséquences s'explique largement par le recours au crédit à la consommation depuis deux décennies pour pallier la faiblesse des revenus et les insuffisances des protections assurées par l'Etat, la France, qui avait plus modérément que ses voisins choisi cette option, semble à présent l'adopter. Pour le rapporteur, accroître l'accès au crédit permettra ainsi d'amortir la rigueur budgétaire qui succédera au plan de relance, en favorisant une augmentation de la demande des ménages supérieure à celle de leurs revenus contraints par le contexte de crise.

Cette orientation explique que ce projet de loi soit ainsi dangereusement déséquilibré en faveur d'un accroissement de l'endettement des ménages sans que cela ne s'accompagne d'une véritable amélioration de la qualité de la relation bancaire. L'abandon de l'obligation de produire des justificatifs par l'emprunteur en témoigne.

Promouvoir un crédit à la consommation responsable et plus généralement favoriser l'inclusion bancaire suppose en premier lieu de repenser le rôle du crédit à la consommation ainsi que du microcrédit personnel - qui gagne au passage une définition pertinente. Il ne sert à rien de culpabiliser les personnes surendettées, alors qu'elles n'avaient que le crédit à la consommation pour pallier la faiblesse structurelle de leurs ressources. Il serait plus productif de s'interroger sur ce qui cause cette situation et sur les perspectives d'une politique sociale qui repose de manière croissante sur le crédit.

En second lieu, il importe de tirer les leçons de la crise financière et de les convertir en réformes ambitieuses. Les contours de cette régulation tiennent à une évaluation des pratiques des prêteurs au regard d'objectifs clairs d'inclusion bancaire dont Michel Camdessus avait déjà proposé une ébauche. Ceux-ci doivent porter à la fois sur l'accès (nature des ressources, zones géographiques, etc.) et sur la qualité de la relation (taux d'incidents de remboursement, taux de clients surendettés, coûts des incidents, etc.). Cette évaluation transparente et indépendante doit de plus être associée à des mécanismes d'incitation-sanction seuls à même d'amener efficacement les prêteurs à adopter des pratiques responsables.


ID: 44505
Publication date: 14/10/09
   
URL(s):

Article des Echos
 

Created: 14/10/09. Last changed: 19/10/09.
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