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La responsabilité du prêteur en Europe
INC hebdo consommateurs actualités [Texte imprimé] : l'hebdomadaire de l'Institut national de la consommation / [dir. publ. Marie-Hélène dos Reis] ; [réd. en chef Georges Golberine]
LA RESPONSABILITÉ DU PRÊTEUR EN EUROPE

Udo Reifner, docteur en droit, directeur de l'institut des services Financiers de Hambourg (IFF), souligne l'importance de la problématique de la responsabilité en matière de crédit, cristallisant les préoccupations d'un grand nombre de pays, et pas seulement celles de la France.

Aujourd'hui, la société moderne considère le crédit non plus comme un signe de faiblesse et de pauvreté mais comme un véritable moyen de s'insérer dans la vie et sans lequel on ne pourrait plus vivre. La notion de propriété perd ainsi tout son poids et tout son sens au profit de la notion plus attractive de cash-flow, de liquidités.

En France, le niveau d'endettement est de 50 % inférieur à celui de l'Allemagne, lequel est également inférieur de 50 % à celui de l'Angleterre.

Malgré la réglementation relativement stricte et précise mise en place sur le territoire allemand, demeurent d'importants problèmes de surendettement; il y a donc lieu de s'interroger, au plan idéologique, sur le lien existant entre endettement et surendettement: l'un ne serait-il pas la cause de l'autre ?

Alors que la notion d'endettement s'inscrivait déjà dans le code d' Hammourabi il y a près de quatre mille ans, celle du crédit à la consommation, issue du XIXe ou du XXe siècle, est beaucoup plus nouvelle.
La responsabilité du prêteur repose sur deux grands concepts:

- la protection moderne de l'investisseur au travers d'un ensemble de règles prudentielles mises en place en Europe et dans le monde, où le prêteur est vu comme une menace à la stabilité bancaire;
- la vieille protection de l'emprunteur contre un comportement usurier dans les pays du code civil.

Au sein de l' Union européenne, par exemple, une banque ne prendra que les épargnants faisant preuve de prudence quant à l'utilisation du crédit accordé.

En Allemagne, le rôle des banques est de collecter l'épargne et d'attribuer du crédit. Ces opérations sont soumises à la supervision bancaire.

En Angleterre et en Irlande, tous les établissements, y compris commerciaux, peuvent attribuer des crédits, même sans avoir le statut de banque et sans supervision bancaire. C'est aussi l'attitude de la troisième directive bancaire de l'Union européenne.

I) Quelles sont les règles prudentielles mises en œuvre?

Bâle II mentionne que le crédit doit être soutenu avec 12,5 % du capital propre et que tous les risques doivent être évites, ou au moins couverts.
Dans ce cadre, tous les pays emploient des règles prudentielles dans le droit bancaire public.

• En Allemagne, une réglementation prudentielle est mise en place pour les crédits de plus d'un million d'euros (toutes les informations sur le débiteur doivent être transmises à l'autorité des services financiers).
• Au Portugal, le crédit doit être accordé dans une forme professionnelle, c'est-à-dire que toutes les informations sur l'emprunteur doivent avoir été collectées.
• En Grèce, il est nécessaire de recueillir des informations sur l’âge, la profession, la situation familiale du débiteur et du garant.
• En Suède, une banque ne peut attribuer un crédit non remboursable par l'emprunteur.

Toutes ces règles prudentielles s'inscrivent dans le droit public et non dans le droit civil. II appartient donc à la profession bancaire de vérifier le respect des règles.

Ainsi, elles ne s'appliquent pas lorsque le crédit n'est pas attribue par une banque: en Angleterre, par exemple, la plupart des crédits ne sont pas attribués par des banques; aux Etats-Unis, 80 % des crédits hypothécaires ne sont pas non plus attribués par les banques. II s'agit de protéger l'épargne et non l'emprunteur: le problème du surendettement du consommateur n'est donc pas pris en compte.

Par ailleurs, la responsabilité de la banque en matière d'accord ou de refus de crédit dans une logique de protection du consommateur renvoie à la notion de liberté contractuelle, le consommateur étant libre ou non d'accepter la protection qu'on lui consent.

Le même raisonnement pourrait cependant être tenu pour la ceinture de sécurité ou pour le suicide. Le droit civil prévoit-il une obligation de se protéger?

Le premier concept vise donc à protéger l'épargne de l'investisseur, et non l'emprunteur contre le surendettement. Cela correspond à la logique de la nouvelle directive européenne sur le crédit à la consommation.

Le second concept vise l'emprunteur mais repose sur sa coresponsabilité pour son propre surendettement.

II) L'exemple de la Suisse: l'interdiction du surendettement

En Suisse, par exemple, la législation sur la responsabilité du prêteur est très pointue.

Selon l'article 28 relatif à l'examen de la capacité de contracter un crédit: avant la conclusion du contrat, le prêteur doit vérifier, conformément à l'article 31, que le consommateur a la capacité de contracter un crédit.

Le consommateur est répute avoir la capacité de contracter un crédit lorsqu'il peut rembourser ce crédit sans grever la part insaisissable de son revenu visée à l'article 93.

En termes de sanction: si le prêteur contrevient de manière grave aux articles 28,29 ou 30, il perd le montant du crédit qu'il a consenti, y compris les intérêts et les frais. Le consommateur peut réclamer le remboursement des montants qu'il a dejà versés, en application des règles sur l'enrichissement illégitime.

Le surendettement est donc défendu.

La capacité de contracter un crédit à la consommation est examinée sur la base d'un amortissement du crédit en 36 mois, même si le contrat prévoit un remboursement plus échelonné. Les sommes non encore remboursées sur des crédits déjà octroyés doivent être prises en compte dans ce calcul.

De ce fait, il devient impossible, avec des revenus insuffisants, de financer une voiture en Suisse.

Cela signifie que l'endettement correspond déjà au surendettement.

Le principe rationnel consistant à penser que le crédit est un investissement productif, qui sera payé par le profit issu de l'utilisation du bien, n'existe pas en Suisse.

La cour de cassation suisse ne s'est jamais exprimée sur la responsabilité du prêteur.

III) L'exemple de l'Allemagne: une vaste jurisprudence

Le tribunal d'instance d'Hanau, au travers d'une décision rendue en 1988, rapporte qu'au-dessus du montant incessible, il y a infraction aux bonnes moeurs parce «le débiteur perd sa liberté d'agir économiquement, et ainsi sa dignité humaine».

Pour la cour d'appel d'Hamm en 1988, au contraire, «la liberté contractuelle comprend le droit de s'engager aux obligations qu'on ne peut pas remplir».


Mais même si cette dernière opinion prévaut dans la jurisprudence allemande pour les prèteurs, on trouve le contraire dans la jurisprudence concernant le garant ou le cosignataire d'un crédit. Ici, la jurisprudence a developpé une vraie protection du consommateur contre le prêteur, qui est déclare responsable pour son surendettement.
La cosignature des conjoints est vue comme un moyen de pression sur la famille entière afin d'aboutir au remboursement du crédit.

La cour constitutionnelle a considéré qu'il s'agissait d'une exploitation de la situation familiale par la banque, des lors que le crédit consenti ne concernait qu'un conjoint. Par ailleurs, si le conjoint n'a pas de patrimoine personnel, cela ne saurait être une sécurité en soi. Elle a donc considéré que la liberté contractuelle trouve ses limites lorsque quelqu'un exploite la faiblesse de l'autre et utilise des relations non économiques pour faire pression.
Pour la cour de cassation allemande en 2003: «Il y a nullité de la garantie si le garant au temps de la conclusion du contrat n'était prévisiblement pas capable de payer au moins les intérêts.»

L'Allemagne possède une très vaste jurisprudence sur la responsabilité du prêteur envers le second signataire. S'il est statué que le cosignataire ne pourra payer la dette, sa responsabilité ne sera pas engagée. La seconde signature constitue donc de moins en moins une garantie, et cela permet de résoudre les problèmes de divorces importants en Allemagne (concernant 50 % des ménages).

IV) Pays anglo-saxons: l'endettement comme moyen de lutte contre la pauvreté

Un tout autre système est fortement implanté en Angleterre: l'endettement fait partie de la vie et, pour faciliter l'accès au crédit même pour les catégories à faibles revenus, il faut donner champ libre aux prêteurs qui fournissent ces petits crédits.

Aux Etats-Unis, vu la grande préoccupation pour la discrimination raciale, l'accès au crédit crée aussi un droit au crédit. La loi sur l'accès libre au crédit et d'autres législations veulent garantir le crédit, notamment pour les Afro-Américains et les Hispano-Américains, comme moyen de lutte contre la pauvreté.

Ces dispositifs sont conçus pour apporter de l'aide aux personnes défavorisées, qui demeurent seules décideuses en matière de crédit.

La seule responsabilité du prêteur relève de l'information; mais celle-ci est très peu observée, examinée et prise en compte par les emprunteurs, satisfaits de voir leur crédit accordé.

Il existe bien deux systèmes opposes en Europe, entre la Suisse d'une part, l'Angleterre d'autre part.

La France comme l'Allemagne intègrent d'une part la responsabilité; du prêteur, d'autre part celle de l'emprunteur.
Dans les pays du droit civil, aux Pays-Bas par exemple, si le crédit est supérieur à 1000€ , il est nécessaire d'avoir une information écrite sur la solvabilité de l'emprunteur.

Les crédits aux mineurs ne sont pas accordés en Europe.

Aux Etats-Unis est discute le principe d'improvident credit extension.

Toutes les statistiques rapportent que plus de 80 % des crédits accordés étaient solvables au moment où ils ont été consentis.

Mais les aléas de la vie et les problèmes qui peuvent survenir ne sont pas prévisibles (divorce, maladie, chômage, etc.).

Cela dit, il est possible de prévoir statistiquement le pourcentage de personnes qui vont rencontrer un problème.

II y a donc nécessité, pour éviter que la banque crée elle-même une situation de surendettement au moment du remboursement, de proposer des produits à même de s'adapter aux risques à venir. Mais comme il y a peu de législations qui forcent à agir ainsi, peu de recherches sont encore faites en ce domaine.

Dans un grand nombre de pays, cette adaptation du crédit aux risques et à la situation se fait par le législateur, qui agit sur le banquier en ce sens.

Le taux d'usure joue aussi un rôle pour empêcher le surendettement.

Dans le droit anglais, il n'y a pas de taux d'usure; les banquiers et les prêteurs ont même intérêt à attribuer des crédits aux personnes qui ne sont pas solvables.

Aux Etats-Unis, une compagnie de cartes de crédit mentionnait même qu'elle ne faisait plus de recherches sur la solvabilité des clients, considérant que le non-paiement était encore profitable.

Limiter le TEG est un moyen pour responsabiliser les prêteurs.
Limiter les possibilités de recouvrement donne aussi une responsabilité au prêteur et protége les emprunteurs dans une Situation difficile.

Des règles existent en Allemagne sur ce problème: selon le code civil, les frais de recouvrement ne sont pas à la charge de l'emprunteur si celui-ci est dans l'impossibilité de payer.

V) Que se joue-t-il à Bruxelles ?

En 2002 est apparue la notion de "prêt responsable". Selon l'article 9 de la directive sur le crédit à la consommation, «lorsque le prêteur conclut un contrat de crédit ou de sûreté ou augmente le montant total du crédit ou le montant garanti, il aura préalablement estimé, par tout moyen à sa disposition, que raisonnablement le consommateur et, le cas échéant, le garant seront à même de respecter leurs obligations de coulant du contrat».

Cette règle était intéressante dès lors qu'elle donnait deux possibilités au prêteur: soit ne pas accorder de crédit, soit adapter le prêt à un risque futur du débiteur. II était alors possible d'accorder un crédit aux personnes défavorisées si le prêt était adapte à leur situation et était remboursable.

En 2005, il y a eu un changement: selon l'article 5 n° l de la directive, «le prêteur et, le cas échéant, l'intermédiaire de crédit adhérent au principe de prêt responsable. Par conséquent, le prêteur et, le cas échéant, l'intermédiaire de crédit respectent leurs obligations concernant la mise à disposition d'informations précontractuelles ainsi que la nécessite, pour le prêteur, d'évaluer la solvabilité du consommateur à partir des informations précises fournies par ce dernier et, au besoin, en consultant la base de données appropriée».

Maintenant, selon l'article 7a de la directive 2007, il n'y a plus que l'obligation d'évaluer la solvabilité du consommateur, qui ressort de l'ancien régime en Europe qui ne protégeait que l'épargne et pas le prêteur: «Lorsque le prêteur conclut un contrat de crédit ou augmente le montant total du crédit, il aura estimé préalablement d'évaluer la solvabilité du consommateur à partir des informations suffisantes fournies si appropriées par ce dernier et, au besoin, en consultant la base de données appropriée.»

L'ECRC, avec ses sept principes, veut changer cette tendance anglo-saxonne dans notre législation et introduire une responsabilité du prêteur pour que les crédits soient plus adaptés à une situation sociale de l'emprunteur prévisible par la recherche et les statistiques. Accélérer une dette, autrefois adaptée aux revenus mensuels de l'emprunteur, au moment même où ces revenus subissent une phase problématique à cause des problèmes de chômage, de famille ou de santé, est un anachronisme juridique qui ignore le débiteur et ne voit rien d'autre que l'intérêt de l'investisseur à sauver ses créances.

ID: 40517
Author(s): Reifner, Udo
Publication date: 29/10/07
   
 

Created: 19/11/07. Last changed: 26/01/11.
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