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CRÉDIT, USURE ET EXCLUSION (I) - Une exclusion existe-t-elle vraiment en France, et sont la venue de prêts abusifs sans taux plafonds la solution? La "community reinvestment" mal compris.
Nous presentons ci-dessous, un article de l’édition trimestrielle « Audience » de COFINOGA, mai 2006, sur la CRA.

(Veuillez voir notre analyse critique de cette édition en suivant le lien ci-dessous)

LES ÉTATS-UNIS, MODELE BANCAIRE POUR NOS BANLIEUES ?

ALORS QUE LA FRANCE S’INQUIETE DE L’EXCLUSION QUI FRAPPE SES BANLIEUES, LES ÉTATS-UNIS DEVELOPPENT DES RESEAUX BANCAIRES QUI PROPOSENT DES CREDITS ADAPTES AUX POPULATIONS DES QUARTIERS LES PLUS DEFAVORISES. SANS SUBVENTIONS ET RENTABLES. MODELE A SUIVRE ?

La récente crise des banlieues l’a rappelé: quand les cités brûlent en France, tous les yeux se tournent vers l’État. Depuis des décennies, c’est lui qui dicte et finance l’ordonnance des mesures destinées à soulager les quartiers en difficulté. Les cortèges de subventions ou de créations de zones franches semblent pourtant de plus en plus insuffisants face à une exclusion grandissante – aussi bien économique que sociale. D’autant que le pompier public compte ses deniers et restreint les budgets. Il faut donc trouver d’autres voies d’intégration économique pour éviter de creuser la précarité des banlieues. Paradoxalement, l’exemple pourrait bien venir du pays considéré il y a peu encore comme le contre-modèle par excellence : les États-Unis. Le récent voyage organisé par la « French American Foundation » dans plusieurs cités de Chicago et Washington a démontré l’ampleur prise par les politiques de lutte contre l’exclusion qui y sont menées, fondées sur l’accès au crédit et l’engagement « social » des banques privées.

Là où la France développe à grand frais une logique d’assistance nourrie de subventions, l’État américain préfère inciter les acteurs privés à investir leurs propres fonds dans les cités. Pari difficile face à des populations à faibles revenus et aux garanties souvent incertaines. En dix ans, cette politique a réussi à ouvrir aux exclus 20% de l’encours total de crédits des établissements financiers du pays – soit 1200 milliards de dollars. Les clients des banlieues défavorisées consacrent aujourd’hui près de 450 milliards de dollars par an aux remboursements de leurs crédits immobiliers ou de consommation – soit 80 à 120 milliards de commissions! L’un des marchés les plus sinistrés en terme financier s’est transformé en vivier de profits et de croissance…

À l’origine de cette étonnante métamorphose, une loi votée au milieu des années 70 et mise en application par l’administration Clinton en 1995. La législation CRA (Community Reinvestment Act) impose à toutes les banques du pays un contrôle régulier d’agents fédéraux chargés d’évaluer les actions menées auprès des populations à faibles revenus: nombre de crédits immobiliers octroyés, niveau d’investissement dans les quartiers sensibles... Ce reporting se déroule tous les ans ou tous les trois ans, en fonction de la taille des banques. Si la loi prévoit des sanctions en cas de discrimination, les pénalités sont rarement appliquées (moins d’une dizaine depuis sa création). C’est la grande habilité d’une législation qui préfère encourager que punir. En rendant publiques les données récoltées lors des reportings, le législateur offre un moyen de pression bien plus efficace, procurant aux associations de consommateurs et de quartier un argument pour réclamer des comptes aux établissements financiers. « C’est une arme redoutable, qui peut affecter l’image des banques et mettre en péril des opérations de fusion-acquisition», confirme Kent Hudson, consultant spécialisé et auteur de « La Bancarisation des nouveaux marchés urbains: l’exemple américain » (éd. Economica).

Cette transparence ne se fait pas pour autant au seul détriment des banques, bien au contraire. La publication des données permet même aux établissements de constituer une précieuse base de données d’informations, indispensable pour mieux connaître les populations et les communautés de ces quartiers. Les grands établissements n’y interviennent pas directement. Ils préfèrent souvent financer (en partenariat avec des fondations privées) des réseaux d’établissements de proximité – appelées les « community developpement» – qui connaissent parfaitement le terrain et se chargent d’octroyer les prêts aux populations concernées. Ces 3600 entreprises à but social réparties dans les ghettos emploient aujourd’hui 30000 personnes. La plus importante de ces «banques sociales » dans le pays compte un milliard de dollars d’actifs à elle seule. La grande force de ces réseaux tient à son personnel, essentiellement originaire des quartiers et ciblé sur les communautés présentes : banques « afros » pour la clientèle d’origine noire, banques bilingues ukrainiennes pour les immigrés d’Ukraine, banques espagnoles pour les hispaniques... « Cette proximité aide à mieux gérer le risque, analyse George Gloukoviezoff, chercheur en économie à l’université Lyon II. Étant issus des mêmes milieux et ayant l’habitude des bas revenus, les employés sont rompus aux problématiques de ces quartiers. Qui plus est, ils créent une relation forte avec le client qui implique un engagement moral et joue sur le remboursement. » La rentabilité est au rendez-vous pour la plupart de ces banques « sociales ». Elle est renforcée par une politique de taux volontiers agressive : si l’octroi de crédit y est facilité,il se fait souvent à des taux qui flirtent entre 15 et 30 %.

Ce modèle américain semble pourtant difficile à importer en l’état chez nous. Faute d’une organisation bancaire similaire, faute d’un communautarisme aussi marqué, faute surtout de taux déplafonnés qui rendent difficile toute perspective de rentabilisation. «Les crédits accordées aux États-Unis sont surtout des crédits immobiliers – ceux qui s’accordent le mieux à des taux élevés. Pour des aides à la création d’entreprises, où le risque est beaucoup plus incertain, les résultats semblent moins nets », commente Jacques Pierre, directeur de l’association France Active, spécialisée dans le microcrédit et observateur sceptique du « miracle américain ». L’objectif n’est en réalité pas tant de copier le modèle que d’y puiser des sources d’inspiration, aussi bien pour soulager un État trop centralisateur que pour inciter des banques quasi absentes des quartiers. « L’expérience américaine montre que tous les produits bancaires sont adaptables pour peu que l’on se donne la peine d’innover, aussi bien dans la réduction des coûts que dans la gestion des risques », constate Kent Hudson. Faute d’informations suffisantes, beaucoup d’établissements français continuent pourtant à surestimer le risque dans ces quartiers, préférant laisser la puissance publique y agir seule. « Le système américain a fait découvrir aux banques que des clients ignorés pouvaient devenir des clients normaux, analyse George Gloukoviezoff. Si l’on donne aux banques françaises les moyens de développer de vraies politiques de rentabilité, alors il peut y avoir une intégration durable similaire. ». Avis aux législateurs…

ID: 37733
Author(s): iff
Publication date: 07/07/06
   
URL(s):

Audience No 30 Crédit et Exclusion

Critique de Cofinoga (francais)
 

Created: 29/06/06. Last changed: 07/07/06.
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